Haiti - Une lettre du Frère Charles Coutard -- CARTA DEL HERMANO CHARLES COUTARD

Bonjour à tous les amis
 Voici presque une semaine que la catastrophe est arrivée. Pendant tous ces jours, j'ai été quasiment scotché au téléphone et à l'ordinateur pour recueillir et distribuer informations aux Frères, aux parents, aux amis. Les appels sont venus de partout pour des recherches. Merci à tous ceux qui m'ont aidé…ou sollicité.
J'ai pu me rendre à la capitale samedi passé.
A partir de Petit-Goave commencent les difficultés et les émotions fortes. Difficultés de la route envahie par des éboulis à plusieurs endroits, affaissée parfois, fissurée souvent. Émotions devant toutes ses maisons écroulées, cette foule de gens vivant sous des abris de fortune (une bâche la plupart du temps). Plus on se rapproche de Port-au-Prince, plus augmentent les détresses. Et aussi la crainte car les « chimères » ont repris du service. Si les « pillages » sont le fait des pauvres gens affamés que l'on comprend fort bien, d'autres sont de véritables racketteurs et gangsters (échappés probablement de la prison centrale écroulée) qui rançonnent, volent et menacent avec des armes. Dieu merci, je n'en ai pas rencontré, mais sur le conseil des Frères j'ai contourné le centre-ville pour me rendre directement au Juvénat. La traversée de Carrefour est fort pénible car les rues sont souvent bloquées : la route principale est devenue en partie un hôpital à ciel ouvert, les rues adjacentes sont coupées par les maisons éboulées. Il nous faudra deux bonnes heures pour parvenir à Pétionville.
Je suis passé près de la maison La Mennais dont la chute a provoqué la mort de notre si cher Fr. Joseph Bergot (j'ai vécu 23 ans avec lui – et je l'appelais deux ou trois par semaine pour des commissions ou des conseils techniques). La maison n'est plus qu'un tas de gravats. Sous les décombres gît toujours Fr. Dominique assurément mort maintenant.
J'arrive au noviciat et au juvénat. La maison du Noviciat elle-même a souffert : beaucoup de murs écroulés. Au Juvénat, des fissures aussi et un bâtiment incertain. Tout le quartier s'est réfugié sur la propriété. Les Frères se dévouent pour accueillir, organiser toute cette population de quelques centaines dans la journée, mais qui peut facilement doubler ou tripler pour la nuit. Ces gens ont tout perdu, leur maison est écroulée, il est imprudent de rester près des murs fissurés. En effet les secousses continuent : j'aurai droit à une bonne réplique de magnitude 5 lors de mon passage. Alors tout le monde campe sur les terrains, y compris les Frères. Heureusement, les gens cherchent eux-mêmes à s'organiser, à s'entr'aider. L'ambiance est très fraternelle. Mais il faut espérer que cette situation improvisée ne se prolonge pas trop : il faudra passer très vite à un autre fonctionnement, vu que la situation risque de durer plusieurs mois.
Vers midi, je descends à Delmas. J'y trouve les Frères installés eux aussi sous des tentes. La cour et les terrains sont envahis par une foule de gens du quartier. Ici aussi tout se passe bien : les distributions se font dans le calme, même s'il y a des racketteurs. Les Frères sont très présents : je les sens fatigués et marqués par tous ces événements. Je propose au plus âgé de venir aux Cayes pour le reste de l'année et aux autres de prendre de temps en temps quelques jours à l'écart chez nous pour se reposer et se déconnecter d'une réalité difficilement soutenable. Les jeunes du MEJ du quartier servent souvent de relais entre la communauté et toutes les personnes qui se présentent aussi bien pour demander que pour proposer de l'aide. Une grande solidarité se fait jour, portée dans la prière. Quelques Missionnaires de la Charité sont là aussi pour apporter leur concours. De temps en temps flotte une odeur de mort : un camion chargé de cadavres qui passent; c'est une odeur qui nous poursuit partout en traversant la capitale. Je n'ai guère eu le temps de faire le tour de la propriété : la plupart des bâtiments ont beaucoup souffert et seront à reconstruire. J'ai demandé à un jeune Frère de prendre des photos des bâtiments saccagés. Je les mettrai en ligne demain mardi si possible.
Pour le retour, nous rentrons avec une dizaine de personnes. Nous sommes déroutés plusieurs fois à cause des files de voitures qui s'alignent devant les stations-service, des routes bloquées par les éboulis de maisons. Nous n'avons pas pu passer à Saint-Louis, rue du Centre : là aussi les Frères dorment dans la cour. Les deux bâtiments  principaux sont effondrés mais on me dit que les bureaux n'ont pas été écrasés par la chute des étages. C'est le lieu où nous avons eu le plus de morts : une école normale du soir fonctionnait à un étage au moment du séisme. Tous y sont restés.
Puis nous retrouvons le calme des Cayes. Impression de changer complètement de pays. Mais vite dissipée. Car les blessés affluent maintenant de la capitale. L'hôpital est débordé. Un terrain de foot est réquisitionné. Et la population de Port-au-Prince commence à émigrer en province. Tous les étudiants rentrent chez eux : ils n'auront pas de cours pendant des mois…
 Les jours qui viennent s'annoncent difficiles. Il faut se préparer à de nombreuses pénuries (nourriture, essence), des augmentations de prix, la difficulté à recevoir de l'argent de la diaspora, l'absence de salaires pour tous les employés de l'État, le chômage de tous ceux qui viennent de la capitale, les enfants venus de la capitale déscolarisés pendant des mois, sans compter les possibles racketteurs et gangsters. Il reste la volonté de se battre, la solidarité des gens de bonne volonté (heureusement c'est la majorité), l'effort de tous ici et ailleurs, et la confiance en Dieu…
 A tous je dis un grand merci pour votre intérêt pour notre petit pays, pauvre mais courageux et pour la confiance que vous nous faites. Que Dieu vos bénisse !
Bien amicalement - Fr. Charles


Buenos días, amigos todos : Ya hace casi una semana que llegó la catástrofe. Durante todos estos días no he cesado de atender el teléfono y el ordenador para recoger y enviar informaciones a los Hermanos, a los padres y a los amigos. Las llamadas vienen de todas las zonas afectadas. Gracias a todos los que me han ayudado… o animado.
He podido regresar a la capital el sábado pasado.
A partir de Petit-Goave comienzan las dificultades y fuertes emociones. Dificultades en la carretera, invadida por desprendimientos en varios lugares y a veces hundida, y con frecuencia agrietada. Emociones ante tantas casas derrumbadas, la multitud de gente que ha quedado sin techo y sin fortuna ( la mayoría sólo con un toldo ). Y cuando uno llega a Puerto Príncipe, las miserias son mayores. Y también aparece el miedo, porque los "engañadores" están en su faena. Si los robos se dieran entre gente pobre y hambrienta uno llega a comprenderlo. Pero hay otros que son verdaderos raqueros y gansters ( probablemente escapados de la cárcel central destruida ) que abusan, roban y amenazan con sus armas. Yo no me he encontrado con ellos, gracias a Dios, pero aconsejado por los Hermanos, he rodeado el centro de la ciudad para llegar directamente al Juniorado. La travesía de Carrefour está que da pena, porque las calles a menudo están bloqueadas : la calle principal está convertida, en parte, en un hospital a cielo abierto, y las calles adyacentes están cortadas por las casas derrumbadas. Tardamos más de dos horas largas en llegar a Petionville.
He pasado junto a la casa La Mennais, en la que la caída provocó la muerte de nuestro querido Hermano Joseph Bergot ( he vivido 23 años con él y le llamaba 2 o 3 veces por semana para encargarle algo o pedirle algún consejo técnico ). La casa no es más que un montón de escombros. Bajo los escombros está todavía el Hno. Dominique , seguramente ya muerto.
Llego al noviciado y juniorado. La propia casa del Noviciado ha sufrido lo suyo : muchas de sus paredes están destruidas. En el Juniorado hay también grietas y es un edificio inseguro. Todo el barrio se ha refugiado en la propiedad. Los Hermanos se dedican a recibir y organizar a toda esta población que son varios centenares durante el día y que fácilmente llegan a duplicarse o triplicarse por la noche. Estas personas han perdido todo, su casa se ha hundido y es imprudente permanecer cerca de las paredes agrietadas. En efecto, las sacudidas continúan : he sido testigo de una fuerte réplica de magnitud 5 en el lugar donde yo estaba. En esos momentos todo el mundo sale a campo abierto, y también los Hermanos. Por suerte, la gente procura organizarse y ayudarse entre ellos. Existe un ambiente fraterno. Pero es de esperar que esta situación improvisada no se prolongue demasiado. Pronto habrá que pasar a otra forma de funcionamiento, porque la situación puede durar varios meses.
Hacia el mediodía bajo a Delmas. Allí encuentro a los Hermanos también ellos instalados en tiendas de campaña. El patio y los terrenos están llenos de gente del barrio. También aquí va todo bien : la distribución se hace con calma, incluso si hay raqueros. Los Hermanos están siempre allí : les veo cansados y afectados por todos estos acontecimientos. Propongo al Hermano de más edad que venga a Cayes a pasar el resto del año, y a los demás que, de vez en cuando, se tomen unos días de cambio en nuestra casa para descansar y desconectarse de una realidad que es muy difícil de mantener. Los jóvenes del MEJ del barrio hacen a menudo de intermediarios entre la comunidad y las muchas personas que llegan también más a pedir, que a ayudar.
Cada día se nota más solidaridad, convertida en oración. Algunas Misioneras de la Caridad están también allí aportando su colaboración. De vez en cuando llega un olor a muerto : es un camión cargado de cadáveres que pasa ; es un olor que nos acompaña por todas partes cuando atravesamos la capital. Casi no he tenido tiempo para dar una vuelta por la propiedad. La mayoría de los edificios han sufrido muchos desperfectos y tendrán que ser reconstruidos. He pedido a un Hermano joven que saque fotos de los edificios afectados. Las pondré en Internet ON LINE mañana martes, si puedo.
Al regreso nos encontramos con una decena de personas. Nos hemos tenido que desviar varias veces a causa de las hileras de coches que se amontonan ante las estaciones de servicio, carreteras bloqueadas por los materiales de casas derrumbadas. No hemos podido pasar de Saint-Louis, rue du Centre : allí también los Hermanos duermen en el patio. Los dos edificios principales están hundidos, pero me dicen que los despachos no se han derrumbado por la caída de los pisos. Es el lugar donde hemos tenido más muertos : una Escuela Normal que funcionaba de tarde en el momento del seísmo. Todos quedaron allí.
Después recuperamos la calma en Cayes. Tuve la impresión de que cambiaba completamente de país. Pero pronto se disipó. Porque en ese momento empezaron a llegar heridos de la capital. El hospital está desbordado. Un campo de fútbol ha sido requisado. Y la población de Puerto Príncipe comienza a emigrar a la provincia. Todos los estudiantes regresan a sus casas : no tendrán clase durante meses …
Los próximos días se preven difíciles. Tenemos que prepararnos para una gran carestía de todo (alimentos, gasolina … ), subida de precios, dificultad para recibir dinero de fuera, la falta de salarios para todos los funcionarios del Estado, el paro forzoso de todos los que vienen de la capital, los niños llegados de la capital que estarán sin escuela durante meses, sin contar con los posibles ladrones y gangsters. Nos queda la voluntad de seguir adelante, la solidaridad de las personas de buena voluntad ( que por suerte son la mayoría ), el esfuerzo de todos aquí y en otros lugares y la confianza en Dios …
Quiero dar MUCHAS GRACIAS a todos por vuestro interés hacia nuestro pequeño país, pobre pero valeroso, y por la confianza que nos dais.
¡ Que Dios os bendiga !
Vuestro amigo, el Hno. Charles


Good morning to all our friends



It is almost a week since the catastrophic earthquake struck. During all these days, I have been almost glued on the telephoned and on the computer trying to gather and distribute information to the Brothers, parents, and friends. Calls came from everywhere searches. Thank you to all those who have helped me … or asked me.


I managed to go to the capital last Saturday.


From Petit-Goave, difficulties and strong emotions commence.. Difficulties of roads invaded by masses of fallen earth in several places, sometimes subsided and often gaping cracks. Emotions before all these collapsed houses, this crowd of people living under makeshift shelters (a tarpaulin most of the time). The nearer we approach Port-au-Prince, the more distress increases. And also the fear, for the « nightmares » have resumed their service. If « looting » is the work of the starving poor people that is quite understandable, others are veritable racketeers and gangsters (probably having escaped from the central prison that collapsed) who hold people at ransom, rob and threaten with firearms. Thank God, I did not meet any one of those, but on the advice of the Brothers I bypassed the city centre and went directly to the Juniorate. The crossing of the junctions is very painful because the roads are often blocked : the main street has partly become an open-air hospital, the adjacent roads are cut off by the collapsed houses. It took us two solid hours to get to Pétionville.


I passed close to La Mennais House whose collapsing occasioned the death of our dear Brother . Joseph Bergot (I have lived 23 years with him – and I used to call him two or three times a week for purchases or for technical advice). The house is no more that a heap of rubble. Still lying in the debris is Brother Dominique Baron, certainly dead by now.


I arrive at the Novitiate and the Juniroate. The Novitiate house itself has suffered: many walls collapsed. At the Juniorate, some fissures also and an uncertain building. All the people of the neighbourhood take refuge on the premises. The Brothers devote themselves to receive and organise the population of hundreds of people during the day, but which can easily redouble or triple for the night. These people have lost everything, their houses collapsed, it is imprudent to remain near cracked walls. In fact, the tremors continue: I experienced a good replica of magnitude 5 during my visit. Consequently everybody camps on the grounds, the Brothers included. Fortunately the people try to organise themselves, helping one another. The atmosphere is very fraternal. But we strongly hope that this improvised situation will not last too long : we must find another solution very soon, since this situation is likely to last for several months.


Towards mid-day, I go down to Delmas. There I find the Brothers also living in tents. The courtyard and the grounds are invaded by a crowd of people from the neighbourhood. Here also everything goes on well: the distributions go on calmly, even though there are some racketeers. The Brothers’ presence is very much felt : I feel they are exhausted and marked by all these events . I propose to the oldest to come to Cayes for the rest of the year and to the others to take time off now and again and come to our place for a rest, away from this reality so difficult to support. The youth from the MEJ of the neighbourhood often serve as a liaison between the community and all the persons who present themselves to ask for as well as to offer aid. Great solidarity is visible, manifested through prayer. Some Missionaries of Charity are also there to bring their aid. Now and again there is a stench of rotting bodies : a lorry loaded with corpses is passing by; it is a smell which pursues us everywhere while crossing the capital. I have hardly any time to tour the property : most of the buildings suffered much damage and they will have to be rebuilt. I asked a young Brother to take photos of the devastated buildings.. I will put them online tomorrow, Tuesday, if possible..


On returning, we came with some ten people .We were diverted several times because of the long lines of vehicles queuing for fuel at petrol stations, and roads blocked by the rubble of collapsed houses. We were not able to pass at Saint-Louis, Rue du Centre : there also the Brothers sleep outdoors on the courtyard. The two main buildings collapsed, but they told me that the offices were not crashed by the falling storeys. That is the place where we have had more deaths : a Normal School was running an evening class in one of the storeys at the time of the earthquake. All remained there.


Then we find again the calm of Cayes. Impression of a complete change of country. But soon dissipated. For the wounded flock now to the capital. The hospital is full to the brim. A football field has been requisitioned. And the population of Port-au-Prince commences to migrate to the provinces. All students return to their homes : they will have no classes for months.…


The coming days are bound to be difficult. We must be prepared for the numerous shortages (food, fuel), escalation of prices, difficulty of receiving money from the Diaspora, the absence of salaries for all government employees, unemployment for all those coming from the capital, the children from the capital out of school for months, without counting the possible racketeers and gangsters. There remain the willingness to work hard, the solidarity of the people of good will (fortunately they are the majority), the effort of all here and elsewhere, and trust in God…


Very many thanks to you all for your interest in our small country, poor but courageous and for the trust you place in us. May God bless you!


Yours faithfully,


Bro. Charles

Commentaires

  1. Chers amis,

    Nous sommes en union de prière avec votre communauté.

    Que l'espoir tienne bon.

    Silvère JAUNY
    Directeur du CN du MEJ

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  2. Mis oraciones con todos vosotros. Yoly

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